
FORESHADOWS Kaperlak est une aventure de création hors du commun, menée en solitaire sur le terrain, au Groenland, pendant la nuit polaire, sur la petite île d’AKUNNAAQ, dans la baie de Disko, à 68° nord de latitude.
Par grand froid, durant cinq semaines, pendant l’hiver 2025, en intrépide chercheur de sons et d’images, je convoque un regard original sur le Grand Nord et invite à prendre soin des relations qu’entretiennent les vivants et la technique avec ce milieu fragile et si singulier de l’Arctique.
Prendre la mesure du dialogue constant de l’écoumène avec l’érème, c’est-à-dire l’espace habité, contre et tout contre le monde sauvage, où les rencontres avec la glace et les dialogues avec les habitants — d’une grande humanité et générosité — invitent à déconstruire les idées reçues et les fantasmes néocoloniaux.
Un regard critique et poétique, en son, en image et en contre-cartographie, témoignant avec délicatesse de l’effroyable bouleversement en cours — tant sur le plan climatique que politique — dans le Grand Nord, et donne en partage cette épopée plus humaniste que naturaliste.

EXPOSITION-S
Deux formes d’expositions coexistent dans ce projet :
- une exposition traditionnelle, centrée sur les photographies et les cartes, dans une scénographie minimaliste et contemplative ;
- une exposition augmentée, qui intègre projections, bande-son spatialisée, extraits de carnet sonore, cartes animées et installations.
Ces deux dispositifs peuvent être activés séparément ou conjointement, selon les lieux, les moyens techniques et les publics visés.


PHOTOGRAPHIE
La documentation photographique s’est appuyée sur un protocole strict, relativement similaire à l’approche sonore : un dialogue entre le macro et le micro dans les espaces et lieux parcourus.
Premièrement, une seule focale fixe très lumineuse, en 35 mm, a été utilisée pour capter les détails de la nuit polaire. Le cadrage, systématiquement vertical, en noir et blanc, s’inscrit dans une esthétique proche de la photographie de rue — bien qu’il n’y ait ici ni rues, ou si peu, dans l’environnement arctique.
Choix délibéré, l’abandon de la couleur, qui en arctique est extrêmement subtile et d’une grande beauté, fut un choix nécessaire pour mettre l’accent sur les questions spatiales. La photographie de paysage en mode portrait m’a permis ici de convoquer le hors champs de manière beaucoup plus fluide qu’avec un rapport de cadrage en mode paysage, ou « naturaliste» avec ses attendus d’icebergs ou glaciers en effondrement, écueils de la documentation extractiviste spectaculaire et exotique occidentale.
















Extraits d’une série de 44 tirages en format 50cm/70cm sur papier Hanmuhle German Etching, disponibles à la vente (me consulter en contact)



Série de cartes, diagrammes et contre-cartographies réalisées sur SIG (cartographie numérique)
CONTRE-FICTION CARTOGRAPHIQUE
Pour témoigner que les choses « ont lieu », un ensemble de documents de contre-fictions cartographiques a été levé, à l’aquarelle, mettant en jeu les opposés — sel/miel, liquide/solide, chaud/froid, noir/blanc — dans le but de résonner conjointement avec le son et l’image.avec le son et l’image.
À mon retour, j’ai prolongé ce travail graphique par une série de miniatures à l’aquarelle, réalisées sur des plaques de verre gelées, à la manière d’un laborantin interrogeant, au microscope, la structure d’un carottage de glace.
De cette expérimentation découle une série de macrophotographies, qui vient s’articuler avec le travail réalisé in situ, prolongeant le dialogue entre abstraction sensible, matière arctique et protocoles d’observation










Série de contre-fictions cartographiques à l’aquarelle blanche (titane), au sel et au miel sur papier noir, cartes réalisées à la main et en vente (me consulter en contact)
Ce travail, pensé comme une expérience immersive et polysensorielle, peut se déployer dans des contextes variés – espace d’exposition, installation sonore, performance… selon les lieux, les saisons et les dialogues à venir.
PERFORMANCE
Foreshadows se déploie également sur scène, sous la forme d’une performance immersive.
Pensée comme une extension vivante de l’exposition, la performance associe en direct :
– une intervention musicale électroacoustique + instrumentale, field recording ;
– une projection d’images fixes et animées, issues du corpus visuel de Kaperlak ;
– des énoncés poétiques ou documentaires, convoquant les voix des habitants et des fragments de journal de bord ;
– des manipulations sonores et visuelles de matériaux (glace, sable, sel…) et objets en direct, à la manière d’un laborantin.
La performance est conçue comme un moment de partage sensible et critique.
Elle donne à voir et à entendre une narration entropique du Grand Nord, entre récit intime, manifeste politique et immersion sensorielle.
Selon les configurations, elle peut être présentée en solo ou en collaboration avec un.e musicien.ne ou un.e commédien.ne.
Durée modulable :
30 min / 45 min / 60 min.
Chaque territoire qui accueille cette œuvre devient co-acteur de sa résonance. Foreshadows s’adapte à l’espace, le climat, les contraintes techniques, mais surtout au regard de celles et ceux qui l’écoutent, le traversent, l’interprètent.



approche conceptuelle
J’ai souhaité, au sein de cette magnifique communauté, et pendant la nuit polaire — qu’on appelle ici « Kaperlak » — approcher au plus près le rapport entre ce qui reste d’apparence « sauvage », c’est-à-dire l’Érème, l’inhabité, et ce qui est domestiqué par l’humain, c’est-à-dire l’Écoumène, l’espace habité, modelé par les usages et les pratiques.
Le dialogue sonore entre ces deux entités géographiques invite à une narration de friction — une fiction avec un « air ». Le protocole de récolte et de récit associe prises de sons du milieu cryogénique (glace, neige, banquise, frasil…) et détails subtils de ce qui se trame en interne dans le cannibalisme de la fonte des calottes. S’y ajoutent des captations environnementales convoquant le lointain, l’activité des humains et son impact sur le milieu — notamment la forte présence du pétrole dans le paysage acoustique.
Contrairement à une approche strictement « naturaliste », que je laisse bien volontiers à de meilleurs spécialistes que moi, et malgré une faune magnifique — corbeaux, mouettes tridactyles, renards polaires, eiders et dernières sternes — c’est le jeu de friction entre le sauvage et l’artificiel, au sein des processus entropiques s’y déployant, qui est le cœur de ce travail.
Ce travail reste en devenir. Une partie des matériaux collectés – sons, images, cartes sensibles – a d’ores et déjà donné lieu à plusieurs formes autonomes, prêtes à être partagées : exposition photographique, création sonore immersive, dessins et contre-cartographies. D’autres volets demeurent en gestation, appelant encore du temps, des lieux de résonance, des respirations collectives. Foreshadows est une matière vivante, indocile, qui cherche à s’éprouver dans la diversité des contextes.
Foreshadows est accompagné par une constellation de partenaires œuvrant aux croisements de la création artistique, de l’écologie sensible et de la recherche territoriale :
Coin Coin Productions, SCIC-Habitée, Lieux-Fauves, l’association Les Amis d’Akunnaaq, la Commune de Qeqertalik (Groenland), le programme Artistes en Arctique, LABServatoire et la fondation Naya.
Labellisé « Année de la MER » par le ministère de la Transition Écologique, ce projet s’ancre dans une dynamique collective de création contextuelle et de résonance internationale.

QUELQUES RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES :
PENSER COMME UN ICEBERG, De Olivier Remaud, édition Actes Sud 2020
RÊVES ARCTIQUES, De Barry Lopez, éditions Gallmeister 2014
TAQQAT UUMMAMMUT AQQUTAANNUT, De Aqqaluk Lynge, éditions Polar Institute Press 2008
LE DROIT AU FROID, De Sheila Watt-Cloutier, éditions Écosociété 2019
BANQUISES & GLACIERS, Revue RELIEFS n°17 & n°18, éditions Reliefs 2023
CARTOGRAPHIE RADICALE, De Nephthys Zwer et Philippe Rekacewicz, éditions La Découverte 2021